LA TAPISSERIE AU XV° SIÈCLE                         99
ITALIE
Dès le xivc siècle, les tapisseries de haute lice sont très recher­chées en Italie; mais pendant longtemps les princes de la pénin­sule n'eurent d'autre ressource, quand ils voulurent s'en procu­rer,' que de les faire venir des provinces françaises. Nous avons vu le comte de Savoie, Amédée VI, s'adresser à Nicolas Bataille. On a d'autres exemples caractéristiques de ce goût pour la tapisserie.
Au xve siècle, plusieurs princes italiens songèrent à affranchir leurs États du tribut payé auparavant à l'industrie septentrio­nale. Ils attirèrent des ouvriers en leur promettant certains avan­tages et en s'engageant en quelque sorte à pourvoir à tous leurs besoins. Mais tandis que, dans les villes du Nord, les ateliers de haute lice, puissamment organisés, vécurent longtemps de leurs propres ressources et d'un travaillibre, parce que leurs ouvrages répondaient à un besoin général, les manufactures italiennes n'eu­rent jamais qu'une existence précaire, dépendant du caprice ou de la vie du prince qui les avait fondées, comme on l'a fait remarquer plus haut. D'ailleurs les Italiens, voulant appliquer les lois de la fresque à une industrie qui ne convenait ni à leurs mœurs ni à leur climat, bouleversèrent les règles rationnelles qui présidaient auparavant à la décoration des tapisseries.
Ils parvinrent à imposer leurs modèles aux artisans flamands; mais ils précipitèrent ainsi la décadence de l'industrie, qu'ils détournèrent de sa véritable voie.
D'autres causes contribuèrent encore à l'infériorité bien marquée des ateliers de la péninsule. L'élément essentiel de la tapisserie est la laine. On arrive, par le mélange des fils d'or et de soie, à don­ner au tissu un grand éclat ; mais jamais on n'a tenté de substituer complètement l'or ou la soie à la laine. Or les habitants des pays méridionaux, en employant exclusivement la laine, eussent exposé leurs ouvrages à une prompte destruction, tandis que la soie défie les attaques des vers. En outre, la soie est un produit naturel des pays chauds, tandis que les ouvriers du Nord sont obligés de la faire venir à grands frais. Oh a cité assez d'exemples de tapisseries .fla­mandes mélangées de soie, pour ne rien laisser subsister d'une opi­nion ancienne soutenant que la présence de cette matière dans une